Trouble de la personnalité borderline et TCA : causes, signes et solutions
Le trouble de la personnalité borderline et les troubles du comportement alimentaire (TCA) : une souffrance psychique en miroir
Dans ma pratique de psychothérapeute spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire (TCA), j’accompagne régulièrement des personnes dont la souffrance va bien au-delà de leur rapport à la nourriture. Derrière les compulsions, les restrictions ou les crises se cache souvent une douleur plus profonde, plus diffuse : celle d’une instabilité émotionnelle intense, d’un mal-être identitaire, d’un besoin d’amour mêlé à une peur panique d’être rejeté.
C’est dans ce contexte que se dessine fréquemment une comorbidité avec le trouble de la personnalité borderline. Ce trouble, encore mal compris et souvent stigmatisé, partage de nombreux mécanismes avec les TCA : impulsivité, difficulté à gérer les émotions, estime de soi vacillante, comportements autodestructeurs.
À travers cet article, je souhaite apporter un éclairage accessible et bienveillant sur le lien entre le trouble borderline et les TCA. Comprendre ces interactions est essentiel pour sortir de la culpabilité, mettre des mots sur ce que l’on vit, et retrouver un chemin de réconciliation avec soi-même.
Qu’est-ce que le trouble de la personnalité borderline ?
Le trouble borderline (ou trouble de la personnalité émotionnellement labile) est un trouble de la régulation émotionnelle caractérisé par :
1. Instabilité émotionnelle
- Humeur très fluctuante, intense et réactive.
- Changements d’humeur rapides, souvent déclenchés par des événements interpersonnels.
- Épisodes de colère, d’anxiété ou de désespoir intenses.
- Les émotions sont très fortes, changent rapidement, et sont parfois difficiles à gérer. Une remarque, un silence ou une situation de stress peuvent provoquer une crise de colère, de tristesse ou d’angoisse intense.
2. Relations interpersonnelles instables et intenses
- Alternance entre idéalisation excessive et dévalorisation (phénomène du « tout bon / tout mauvais »).
- Difficulté à maintenir des relations stables
Les relations amicales, familiales ou amoureuses peuvent passer très vite de l’adoration à la colère. On peut idéaliser quelqu’un un jour, et le rejeter violemment le lendemain. La relation à soi et à sa vie passe du tout ou rien. L’équilibre et l’apaisement n’existe pas.
3. Peurs d’abandon
- Terreur intense d’être abandonné ou rejeté, réelle ou imaginaire.
- Comportements de panique ou désespérés pour éviter l’abandon (ex. : menaces, chantage émotionnel).
- La peur d’être quitté, rejeté ou oublié est très présente. Même si ce n’est pas toujours fondé, cette peur peut entraîner des réactions vives.
4. Perturbation de l’identité
- Image de soi instable, perception floue ou changeante de ses valeurs, objectifs ou préférences.
- Sentiment de vide ou d’incohérence intérieure.
- Il est souvent difficile de savoir qui l’on est, ce que l’on veut ou ce que l’on ressent. L’image de soi peut changer rapidement, selon les situations ou le regard des autres.
5. Impulsivité marquée
- Comportements à risque : alimentation compulsive ou privation alimentaire, dépenses excessives, sexualité non protégée, conduites addictives, , conduite dangereuse.
6. Comportements auto-destructeurs
- Automutilation (coupures, brûlures, morsures) ou tentatives de suicide fréquentes ou menaçantes.
- Ces comportements peuvent survenir en réponse au stress ou à un sentiment de vide.
- Dans les moments de grande détresse, certaines personnes peuvent se faire du mal (se couper, se brûler, penser au suicide ou faire des tentatives), non pas pour mourir, mais pour calmer une douleur émotionnelle insupportable.
7. Sentiment chronique de vide
- Ressenti persistant d’ennui, d’absence de but ou de vide existentiel.
8. Colère inappropriée et intense
- Difficulté à contrôler la colère, explosions fréquentes.
- Colère souvent déclenchée par le sentiment d’être incompris ou négligé.
- Des colères violentes peuvent surgir soudainement, parfois à cause d’un malentendu ou d’un sentiment d’injustice. Ces colères peuvent être difficiles à contrôler et surtout elles peuvent se retourner contre soi lorsque l’on ne s’autorise pas à reconnaître un sentiment de colère ou d’injustice de la part envers l’autre.
9. Paranoïa transitoire ou dissociation
Symptômes dissociatifs ou idées de persécution transitoires, en particulier en situation Dans les moments de stress intense, il peut arriver de se sentir « déconnecté » de soi ou des autres, ou d’avoir des pensées de méfiance ou de persécution.
- Le trouble borderline ne se résume pas à une faiblesse de caractère : c’est un trouble psychique reconnu, qui peut être traité.
- Il faut au moins 5 de ces signes pour qu’un professionnel envisage ce diagnostic.
- Ce trouble touche environ 1 à 2 % de la population
- Il est souvent accompagné d’autres difficultés : anxiété, dépression, troubles alimentaires, conduites addictives.
Le travail thérapeutique permet d’apprendre à mieux vivre avec ses émotions, à comprendre ses réactions, et à retrouver un apaisement durable dans ses relations et dans sa vie intérieure.
Si vous avez besoin d’y voir clair, n’hésitez pas à me contacter
Comprendre l’origine du trouble borderline : les relations précoces
1-Facteurs développementaux et relationnels précoces.
Quand les liens précoces sont instables
Dès les premiers mois de la vie, un enfant a besoin de se sentir en sécurité affective. Cela passe par des adultes qui sont présents, constants et rassurants, capables d’apaiser ses émotions. Quand les figures parentales sont imprévisibles, souvent absents, maltraitant, l’enfant ne sait pas s’il peut faire confiance. Il apprend à vivre dans l’incertitude et la peur de perdre l’autre, ce qui peut ensuite créer une peur très forte de l’abandon.
Quand on n’a pas appris à reconnaître ses émotions
Beaucoup de personnes ayant un trouble borderline ont grandi dans des environnements où leurs émotions n’étaient pas entendues ou accueillies. On leur disait par exemple : « Tu exagères », « tu dois y arriver », ou bien on ignorait simplement ce qu’elles ressentaient. À force, elles ont appris que leurs émotions étaient « trop », « inacceptables » ou dangereuses. Cela rend ensuite très difficile le fait de se faire confiance émotionnellement ou de réguler ce qu’on ressent.
Quand l’amour est conditionnel ou incohérent
Si dans l’enfance l’amour reçu dépendait du fait d’être « sage », « performant », « brillant » « silencieux » ou « utile », cela peut créer une confusion entre amour et mérite. Les parents eux-mêmes n’ont pas su donner une base stable à leur enfant. Ce manque de repères affectifs peut laisser une impression durable d’être « vide », « mal fichu », ou « jamais assez » ou « défectueux ».
Facteurs biologiques et neurologiques :
- L’amygdale (gestion des émotions) est souvent hyperactive.
- Le cortex préfrontal (régulation des impulsions) est moins actif.
- Déséquilibres dans la sérotonine, impliquée dans l’impulsivité et l’agressivité
Une comorbidité fréquente : que disent les études ?
Les recherches montrent qu’entre 25 % et 65 % des personnes souffrant de TCA présentent également un trouble borderline. À l’inverse, près de 50 % des personnes borderline développent un TCA au cours de leur vie.
Cela s’explique par :
- une vulnérabilité émotionnelle commune ;
- une impulsivité marquée (notamment dans la boulimie ou l’hyperphagie) ;
- une estime de soi très instable, basée sur le regard d’autrui ;
- des antécédents de traumatismes (abus, négligences, instabilité familiale).
Le corps devient alors le terrain d’expression d’un chaos intérieur difficile à contenir autrement.
Pour approfondir : Étude sur la comorbidité TCA / Borderline – Journal of Psychiatric Research
Signes spécifiques de l’articulation TCA / Borderline
Lorsqu’un trouble de la personnalité borderline coexiste avec un trouble du comportement alimentaire, certains signes cliniques particuliers peuvent se manifester. Ces signaux sont souvent subtils, variables dans le temps, et profondément liés aux fluctuations émotionnelles internes. En tant que psychothérapeute, j’observe fréquemment chez ces patients une intensité particulière dans la manière dont les comportements alimentaires s’expriment : ils deviennent le reflet d’un tumulte émotionnel souvent difficile à verbaliser autrement.
Voici quelques manifestations typiques de cette articulation :
1. Crises alimentaires comme réponse à une surcharge émotionnelle
Les personnes borderline ressentent les émotions de façon extrêmement vive et brutale. La moindre contrariété, une sensation d’abandon ou un conflit relationnel peut déclencher une montée de tension si forte qu’elle devient insupportable. Dans ces moments-là, la nourriture devient un exutoire immédiat : une crise de boulimie, un grignotage compulsif, ou au contraire un jeûne punitif, permettent d’anesthésier provisoirement la douleur émotionnelle.
2. Instabilité du comportement alimentaire
On constate une variabilité extrême dans les conduites alimentaires : alternance entre des périodes de contrôle rigide (régimes stricts, jeûne, orthorexie) et des phases de perte de contrôle totale (hyperphagie, compulsions nocturnes, vomissements provoqués). Cette alternance traduit le mode de fonctionnement borderline, fait de ruptures, de tout ou rien, de bascules soudaines. Le comportement alimentaire devient un miroir de l’instabilité identitaire et émotionnelle.
3. Relation ambivalente au corps
Le rapport au corps est souvent ambivalent, oscillant entre besoin de séduction, rejet profond de l’image corporelle, honte et hypervigilance. Le corps devient à la fois objet de contrôle et de punition, et support d’expression du mal-être : scarifications, troubles somatiques, conduites à risque, mais aussi obsession du poids et de la minceur. Chez ces patients, l’apparence physique n’est pas qu’une question esthétique : elle incarne souvent une tentative de reconstruire une image de soi fragmentée.
4. Estime de soi centrée sur le regard de l’autre
Les personnes borderline ont une estime de soi très instable, fortement dépendante de la validation extérieure. Cela se reflète dans les TCA par une obsession de la minceur, du chiffre sur la balance, ou du contrôle alimentaire, comme moyen d’obtenir reconnaissance ou admiration. Une remarque anodine sur le corps ou l’alimentation peut déclencher une spirale de culpabilité, de honte ou de comportements compensatoires extrêmes.
5. Régulation émotionnelle inefficace ou absente
Dans cette double problématique, les outils de gestion des émotions sont très souvent déficients. Le recours au symptôme (crise, restriction, vomissement) est une manière d’agir l’émotion plutôt que de l’exprimer ou de la contenir. Le lien à la nourriture n’est pas simplement compulsif, il est chargé d’une fonction de survie émotionnelle : sans elle, le débordement affectif devient insupportable, voire dangereux.
6. Sentiment de vide et pulsion autodestructrice
Un des traits les plus marquants du trouble borderline est le sentiment chronique de vide intérieur. Ce vide peut conduire à des conduites alimentaires extrêmes, dans le but de “remplir” symboliquement ce manque, ou au contraire de s’éprouver dans une forme de douleur corporelle (restrictions sévères, vomissements, jeûne prolongé). Les comportements autodestructeurs ne sont pas des caprices, mais une tentative désespérée de retrouver une forme de contrôle ou de sensation d’existence.
7. Difficultés relationnelles liées au symptôme
Enfin, la manière dont les TCA s’expriment dans le cadre borderline peut impacter lourdement les relations : mensonges sur les repas, isolement social, irritabilité après une crise, demande affective intense suivie de rejet. Les proches sont souvent déstabilisés, et le trouble alimentaire devient un langage dans la relation, un moyen d’attirer l’attention, de signaler une souffrance, ou de mettre à distance.
Ce tableau complexe nécessite une lecture fine et sans jugement du comportement alimentaire. Plutôt que de vouloir “faire disparaître les symptômes à tout prix”, il est essentiel de comprendre ce que ces comportements disent de la personne, et d’accompagner en profondeur les enjeux émotionnels, relationnels et identitaires qui les sous-tendent.
Thérapie pour borderline et TCA
Une approche thérapeutique sur mesure : contenir, comprendre, transformer
Comment en sortir ?
Avec le temps, ces expériences peuvent faire naître des relations très intenses et douloureuses, une grande difficulté à gérer les émotions, et un sentiment de vide intérieur. Mais ce qui a été construit dans la douleur peut aussi se réparer. La thérapie permet d’apprendre peu à peu à nommer ce qu’on ressent, à se comprendre avec bienveillance, à poser des limites, et à se reconstruire avec un autre regard sur soi, surtout sans dépendre du regard ou des réactions des autres…
Face à la complexité du lien entre trouble borderline et TCA, aucune réponse toute faite ne suffit. Chaque patient·e que j’accompagne arrive avec son histoire singulière, sa façon unique de souffrir, ses mécanismes de défense, et surtout, sa propre façon de survivre à ce qu’il ou elle n’a pas pu mettre en mots.
Ce que j’observe dans ma pratique, c’est qu’au-delà des comportements alimentaires dysfonctionnels ou de l’instabilité émotionnelle, ces personnes cherchent d’abord un espace d’écoute inconditionnel, un lieu où elles peuvent enfin poser ce qu’elles ressentent sans craindre d’être jugées, abandonnées ou invalidées.
Créer une relation thérapeutique solide
L’accompagnement commence donc par la qualité du lien. Le trouble borderline implique une hypersensibilité au rejet et une peur constante de ne pas être “assez”. Il est crucial d’offrir un cadre stable, sécurisant, dans lequel la personne puisse expérimenter une relation fiable, qui résiste à la tempête intérieure.
Je veille à :
- accueillir sans jamais juger les symptômes ;
- comprendre ce que le comportement cherche à dire, plutôt que vouloir le faire disparaître ;
- offrir de la cohérence et de la régularité, pour contrebalancer l’instabilité vécue intérieurement.
Travailler sur les émotions, pas seulement sur l’alimentation
Dans ce type de double problématique, le travail sur l’émotion prime sur le symptôme. Il s’agit d’apprendre à reconnaître ce qui se passe à l’intérieur, à nommer les ressentis, à différencier les émotions de leurs déclencheurs, et à trouver progressivement des manières plus ajustées de les réguler.
Cela passe par :
- des outils concrets de régulation émotionnelle (respiration, ancrage, , hypnose, phytothérapie) ;
- la mise en lumière des schémas inconscients hérités de l’enfance ou de relations précoces insécurisantes ;
- un travail sur l’image de soi, trop souvent abîmée par des années de rejet, d’échec ou de dévalorisation.
Une approche intégrative : corps, émotions, histoire
Dans mon accompagnement, j’utilise une approche intégrative, mêlant différentes méthodes adaptées à chaque étape du chemin thérapeutique :
- L’hypnose thérapeutique, pour travailler en profondeur sur les croyances limitantes, les scénarios de honte ou de punition, et apaiser les mémoires émotionnelles souvent liées aux crises alimentaires.
- La thérapie des schémas, pour repérer les modes de fonctionnement ancrés dans l’enfance et apprendre à s’en détacher.
- La phytothérapie, comme soutien naturel pour calmer l’anxiété, améliorer le sommeil ou accompagner les périodes de forte tension intérieure.
Ces outils ne remplacent pas le cœur du travail, qui est toujours la rencontre humaine, dans un cadre thérapeutique sécure, authentique, et profondément respectueux de la personne.
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Conclusion : se libérer de la double souffrance, retrouver un chemin vers soi
Vivre avec un trouble de la personnalité borderline et des troubles du comportement alimentaire, c’est comme tenter de garder la tête hors de l’eau au milieu d’une mer agitée. C’est osciller entre trop-plein et vide, entre urgence émotionnelle et repli silencieux. C’est chercher des repères dans un monde intérieur chaotique, souvent sans trouver d’issue.
Mais cette souffrance, aussi complexe soit-elle, peut être entendue, accueillie, et transformée. Ce n’est pas une fatalité.
Dans ma pratique, je constate chaque jour qu’avec un accompagnement thérapeutique adapté, respectueux du rythme et de l’histoire de chacun·e, il est possible de :
- comprendre le sens des crises et ne plus les subir ;
- se reconnecter à ses émotions sans en avoir peur ;
- réconcilier son corps avec son esprit ;
- restaurer une estime de soi stable, indépendante du regard des autres ou des chiffres sur la balance.
Besoin d’un espace pour être entendu·e, sans jugement ?
Si vous vous reconnaissez dans ce que vous venez de lire, ou si un·e proche est concerné·e, sachez que vous pouvez être accompagné·e avec bienveillance et compétence. Je vous accueille dans un cadre thérapeutique sécurisant, centré sur vos besoins réels, à votre rythme.
Christelle Kaplan